Note d'une petite blonde sur un séjour 3 jours-2 nuits en "pension complète" dans le luxe du parc Torres del Paine.
Benoit me réveille à 7h comme prévu, et en douceur comme à son habitude. Mise à part mon début de sinusite, je me sens prête comme jamais, je rêve de ces paysages depuis tant de mois. On part déjeuner au "casino", sacs au dos, pour pouvoir partir directement. Et puis c'est bon. On déverrouille les courbatures éventuelles, j'appelle mes muscles à la mobilisation, mon dernier trek remontant un peu et la journée s'annonçant longue, il me faudra une paire d'heures pour que je me sentes réellement lancée, à ne pas vouloir m'arrêter.
On longe le lac (du nom d'un fjord norvégien) pendant 2h, les couleurs de l'été sont merveilleuses : les arbres aux fleurs rouge, du violet, des orchidées sauvages, les rayons du soleil qui font danser les ombres et les nuances de bleu du lac, et en frise de fond, les monts enneigés.... Quelle peinture. Quelques montées un peu rudes pour ma respiration qui n'est pas au meilleur de sa forme, mais mon sauveur Benoit me prête ses bâtons et ça va mieux.
On croise beaucoup de marcheurs, on (ou plutôt Benoit!) compte le nombre de filles, seules ou en groupe, sur un rapport proportionnellement adapté au taux de répartition des trekkeurs sur les autres circuits et plus général sur les destinations de tourisme (et oui....), on peut le dire, beaucoup plus de jeunes femmes entre 20 et 25 ans semblent voyager dans le parc! C'est comme les israéliens, qui doivent avoir un passage obligatoire en Argentine/Chili dans leur jeunesse...
On parle gouvernement et dysfonctionnements politiques en France (ah, l'étude sur les fiches de paye!), le temps passe très vite, et on arrive au camp de cuernos ; décevant de constater le développement des installations à la "village vacances" avec des minimarket, en plein milieu d'un parc naturel. Ça c'est sur, c'est un tremplin économique pour le Chili ce Torres del Paine, très peu comme je me l'imaginais.
Notre ryhtme est bien établi, Benoit s'arrête pour une photo, je m'arrête pour mes lacets, on recule pour une pause sur un coin de plage, on s'invite mutuellement à manger des chola (ou fruits du diable) sans fin tellement les sentiers regorgent de ces baies rouge sucrées (évidemment, personne ne les sait comestibles!).
Il fait bien sombre vers là ou l'on va, ça donne un côté mystérieux à la montagne que j'aime beaucoup.
Au camp italiano, on pose la tente, nos sacs, on se fait une bonne pâté (soupe/semoule/lait/thon) et on repart. J'ai les pieds gelés, premier trou aperçu dans le pli de mes chaussures, alors heureusement que Benoit est là : je porte ses guêtres rouge à merveille, qui s'accorderont d'ailleurs parfaitement avec mon ensemble vêtements de pluie dans les bois enneigés, comme le drapeau français à moi toute seule...
Les cascades sont toujours plus belles et puissantes les unes que les autres, plus on s'enfonce dans la vallée Francès. On dépasse le groupe de Français qu'on avait rencontré tout à l'heure, chaussures de ville, pantalon slim D&G, des bonnets hipsters et l'air frigorifiés (bref, de véritables expéditeurs), et nous nous souviendrons je crois toujours de l'échange avec l'un d'entre eux, que Benoit a du déjà décrire avec acuité...

"Ah mais ça se mange ça? (Parlant des fameuses baies rouge)
-Ben oui (en filigrane : non non, on en profite juste avant de mourir!), vas-y essaye, ça a un goût de pomme!
-Ouai mais non merci, moi et les trucs de la nature...."

On se regarde, et on explose de rire plus loin...

On fait demi tour 2h plus haut, la vue étant totalement bouchée sous une tempête de neige, mais quel beauté que de marcher sous les flocons, dans le silence absorbant des bois tout blancs qui ressemblent à ceux de contes féeriques... Pas de puma en vue, tant pis. Au mois on assiste au détachement d'un cerac dans le glacier de la vallée, quel spectacle.

On n'aura jamais été aussi heureux de se retrouver le soir avec Doug et Jo afin de partager un repas camping et un maté ensemble sur des rondins de bois, à parler de l'empreinte AMA dans nos esprits et à rire de la contre-productivité de notre volontariat avec exagération.
Le plaisir de sentir son corps vivant une fois allongée, emmitouflée dans la tente le soir, est aussi bon que la première gorgée d'un thé bien chaud après une rando.
Benoit va certainement me haïr encore quelques années pour avoir mis 2 h à émerger et à me préparer le lendemain matin.. C'est vrai qu'on est partis à 10h, mais à notre bon rythme, avec nos hola hola hola et nos "on est au Chili ici!!!!!!" lorsqu'on croise des marcheurs qui nous disent "hi!", on avance quand même bien et on arrive sous un vent de face au Paine Grande pour se ravitailler et repartir dans la foulée. Notre duo fonctionne du tonnerre, bien qu'en y réfléchissant c'était plutôt unilatéral ? Benoit m'a guérie, massée, m'a sauvée du froid, de mes catastrophes de poche à eau, de faim, de mes accidents de chaussures, le voir devant me motivait plus que tout, enfin quoi de plus?! Et moi? Ben moi je l'ai ralenti! Disons que je lui ai offert l'opportunité de garder des parties inexplorées du parc... ah si, je lui remettait son sursac de temps en temps, et puis je le faisais rire avec mes mains d'Hulk (qui gonflent dans la chaleur de l'effort et l'altitude)!
La deuxième partie du 2ème jour a été plus dure, en montée dans un vent de face à 80km/h avec ma douleur aux sinus, et à l'aine. Mais le spectacle est toujours plus captivant, des cimetières d'arbres (tristesse d'après incendie) de tous les côtés, qui entourent les lacs bleu marine sous le ciel menaçant et couvert, donnant au cadre une dimension grave et dramatique jusqu'au point de vue imprenable du glacier Grey, un mur de glace se confondant aux nuages qui est notre récompense (avec une cinquantaine de poignées de baies...!) Lorsqu'on arrive au camp, on mange pendant environ 2h (hummm... C'est bon quand c'est pas cuit la poudre de purée de mais!), et on retrouve notre petite Jo pour aller faire un tour du côté des iceberg et du mirador du glacier. A 20h, on se fraye un passage dans la foule des campeurs pas tous dotés de savoir vivre malheureusement. Cette invasion les uns sur les autres dans les campements obligatoires m'étouffe un peu et fait perdre à l'endroit un peu de sa magie, mais il faut bien partager... Notre compote de baies rouge est un fiasco, et l'addition au cake moelleux encore pire. Relaxation du soir et grâce matinée sous la tente (merci Benoit!) et je me sens vraiment reposée pour repartir. Après notre repas partagé avec un couple de français qui ont eu du mal à comprendre notre aventure (sous la même tente et bénévoles en même temps, même style de voyage mais pas ensemble... Ouuiiiii?!) et on repart. Aparté sur la disparition de biens : règle nº1, pour Benoit, c'est qu'il a bel et bien perdu quelque chose, règle nº2 pour moi, c'est simplement que je l'ai bien rangé...
Le retour est relativement facile (bon c'est quand la montée?
- Ben on en est à la moitié déjà...!), et malgré ma chaussure qui est entrain de rendre l'âme, tout va extrêmement bien. Je pourrai voyager comme ça des semaines entières (d'accord Benoit? Prépare la chaîne du petit boulet, promis je porte la nourriture!). On simule des disputes de couples, entre quelques discussions sérieuses, et on arrive pour manger à nouveau et prendre le catamaran en se moquant des gens avec des sacs à mains, de courses, de la qualité et de l'organisation de leur packetage... Ça sent la fin, Benoit veut me faire intervenir pour avoir des tarifs sur les billets de bateau ou bus... On cherche Sergio au débarquement, tant pis, on prend un autre bus qui ne manquera pas de nous donner la sensation d'un effondrement et par conséquent d'une mort proche!, jusqu'à la 2ème navette où nous admirons nos photos, avant de descende à l'hôtel près de notre maison le dôme. Benoit indique le chemin à une demoiselle qui le remercie d'être "pratique" et on marche jusqu'au point de départ pour dîner, le casino!, en plaisantant sur notre série l' "haciend´AMA".
Le rituel de la douche le soir (par mur interposé) au camp termine cette superbe aventure à deux ; tout simplement, merci Benoit.