Je vous écris de ma tente, bien à l'abri alors que le vent et la neige font rage dehors, nous sommes le 17 novembre.
Ces derniers jours ont été particuliers, tout a commencé il y a quelques jours, un fameux vendredi 13 que personne malheureusement n'oubliera. Pour moi c'était une journée de stop qui commença par 10 kilomètres à pied pour rejoindre le rond point adéquat, un camion et une voiture plus tard je me retrouve bloqué 7 h à cause du vent.
En effet pour quitter la Tierra del Fuego, il faut en plus de traverser deux frontières, prendre un ferry soumis à la force du vent. 19h30 enfin nous traversons et arrivons tranquillement à la frontière.
Ce passage de frontière... Je me souviendrai pour sûr du visage de cette officière des douanes passer du tout sourire à une sorte d'inquiétude en découvrant mon passeport...
"Vous êtes au courant ?" Me demanda-t-elle, avant d'ajouter en voyant sûrement mon expression d'incrédulité, "il y a eu un attentat à Paris, je suis désolé."
Je m'empresse alors de demander de plus amples informations, qui me seront apportées sommairement par un gros officier, un gâteau dans la bouche, marmonnant quelques choses à propos d'un match de foot et de 500 victimes...
Ayant perdu un peu mes facultés de communication dans leur langue, nous avons repris rapidement la route.
En arrivant à la ville suivante, mes chauffeurs, un couple d'une soixantaine d'année passée m'on fait la gentillesse de s'arrêter manger là où une connections wifi me permit de prendre des nouvelles, mais il était bien sur plus de 2h du matin en France.
Je vous passe les péripéties de la nuit, mais une petite chapelle m'a servi d'abri. Le lendemain j'arriverai sous la pluie à El Chalten, et une auberge de jeunesse m'accueillera, j'y passerai un fin de journée et une soirée en compagnie de quelques français.

Depuis je dors au pied du Fitz Roy, j'ai eu le plaisir de le voir pour une poignée d'heures, car le temps change vite, mais cette retraite dans la nature est exceptionnelle, les jours de moche je me promène autour d'où est ma tente, les bras dans le dos, tel un propriétaire, discutant avec des Brésiliens et un Tchèque, faisant des mots croisé, écoutant de la musique et lisant ce que Voltaire pensait de la tolérance et rappelant aux anglophones que "hi" se dit "hola" ici. Le paysage change au gré de la neige qui tombe et du soleil qui fait fondre le manteau blanc.

El Chaltén est la capitale nationale du trek, mais il y a moins à faire que sur la seule vallée de Chamonix, alors je prends mon temps et me laisse vivre au milieu des renards et des piafs qui viennent à mes pieds picorer les miettes des biscuits.
Demain si la météo est clémente je changerai de lieu de villégiature pour encore quelques jours avant de redescendre dans la vallée, pour vous envoyer ces quelques mots, et me remettre tranquillement en chemin vers le sud et le parc national Torres del Paine.

Je vous transmet d'ici tous les sentiments de solidarité qui émanent des voyageurs de partout dans le monde.